Rencontre avec le violoncelliste Gautier Capuçon à l’affiche du concert du jeudi 28 mars à l’Auditorium Jean-Moulin au Thor

M.B.A. : Bonjour, Gautier Capuçon, et merci de nous accorder cette interview. Votre CD, “Destination Paris”, sorti en novembre dernier avec la pianiste Jérôme Ducros et l’Orchestre Lamoureux, dirigé par Johanna Malangre, a suscité beaucoup d’intérêt. Vous avez récemment joué à l’Olympia et entamez actuellement une tournée. Dans ce disque, vous revisitez des classiques de votre répertoire tout en interprétant des tubes de la chanson française adaptés à votre instrument. Revisiter des chansons populaires peut être un défi, surtout lorsqu’elles sont associées à des voix ou à des arrangements spécifiques. Quels ont été les défis artistiques que vous avez rencontrés dans ce processus ?

Gautier Capuçon : Effectivement, la plupart, sauf la Sicilienne de Gabriel Fauré, ne sont pas des morceaux composés pour le violoncelle. C’est donc sans compter sur l’aide précieuse du pianiste Jérôme Ducros qui m’a aidé à effectuer un véritable travail d’arrangement. Concernant les défis artistiques, c’est en effet délicat puisque nous n’avons que la musique des notes et non des mots. Le principal challenge est de transmettre les émotions initialement exprimées par le texte uniquement par l’instrument. Je m’imagine souvent accompagnant des chanteurs tels que Piaf, Goldman, Brassens, avec qui je peux ressentir une certaine connexion musicale à travers leurs chansons, comme si je partageais la scène avec eux. Ce répertoire plus populaire, et aussi cher à mon cœur, permet à de nombreux néophytes de découvrir la musique classique par ce biais-là : il y a encore des personnes qui pensent que la musique classique n’est pas accessible et il est important d’aller à leur rencontre et de leur montrer que la musique est universelle.

M.B.A. : Malgré un calendrier bien chargé, vous trouvez le temps d’enseigner à travers des masterclass, notamment à travers la Fondation Gautier Capuçon, que vous avez fondée en janvier 2022. Quels sont les principaux objectifs ?

G.C. : La fondation présente trois axes principaux : le premier est évidemment de soutenir et de promouvoir la jeune carrière de ces jeunes artistes (cette année, 18 lauréats mélangeant pianistes, violonistes, altistes et violoncellistes) à travers de nombreux concerts (plus d’une centaine cette saison !) et de les préparer au métier de concertiste. Il est primordial d’aborder ces questions autour du métier de musicien. Le deuxième est de leur fournir des bourses et de les aider financièrement grâce à des sponsors. Enfin, le dernier axe est axé sur l’enregistrement, puisque nous produisons chaque année un enregistrement avec Warner Classics. Le troisième disque présentera un talentueux duo russo-ukrainien (la pianiste Anastasia Rizikov et la violoncelliste Lisa Strauss) qui sortira en mai prochain. Je m’attache à poursuivre cette voie de transmission dans laquelle je suis investi depuis maintenant plus de quinze ans. À chaque nouvelle promotion, se crée naturellement une famille de jeunes musiciens entourés par des professionnels afin de les soutenir au maximum dans leur carrière.

M.B.A. : Ce 28 mars, vous jouerez aux côtés du pianiste Frank Braley, un de vos partenaires depuis quelques années, principalement tourné vers Beethoven, dont nous retrouvons les pièces dans votre CD « Sonates et variations pour violoncelle et piano » paru en 2016. Que symbolisent-elles pour vous ?

G.C. : Ces sonates représentent un véritable voyage pour nous deux puisque nous les jouons depuis maintenant une vingtaine d’années, d’abord dans des programmes séparés puis désormais en intégralité. Chaque année, nous ressentons le besoin de nous retrouver pour jouer ces sonates qui retracent la vie de Beethoven à travers leurs intensités musicales.

M.B.A. : Depuis vos nombreuses années de collaboration, auriez-vous une anecdote à nous raconter que vous avez partagée avec Frank Braley ?

G.C. : Oh, il y en a beaucoup ! (rires). Je ne pourrais pas en citer qu’une, nous avons vécu tellement de moments de complicité et de vie à travers les tournées et les enregistrements. C’est important d’avoir le privilège de partager ces moments quand on a une collaboration amicale et artistique aussi longue, c’est vraiment précieux ! Frank est vraiment l’un de mes amis et partenaires de scène les plus fidèles, et je suis toujours très heureux de le retrouver en concert, comme dans l’enseignement, puisqu’il fait partie du Conseil artistique de la Fondation Gautier Capuçon et de la tournée “Un été en France”.

M.B.A. : Où pourrons-nous vous entendre prochainement ?

G.C. : Après Avignon, je partirai à Cluses pour un récital avec Jérôme Ducros. Ensuite, je serai aux États-Unis avec le Los Angeles Philharmonic pour jouer le Concerto d’Elgar, qui sera l’objet de mon prochain disque enregistré aux côtés du London Symphony Orchestra et de son chef, Antonio Pappano. En avril, je serai en tournée avec le Vienna Symphony Orchestra, dirigé par Petr Popelka, en Europe. Ensuite, je reviendrai en France début juin où je serai à Lyon et Paris avec l’Orchestre national de Lyon dirigé par Nikolaj Szeps-Znaider pour une création mondiale composée par une compositrice que j’aime beaucoup, Lera Auerbach. Enfin, un projet qui me tient particulièrement à cœur et que je poursuis depuis la période du Covid, “Un été en France”, composé de jeunes instrumentistes avec qui nous partons en tournée chaque été.

 

Propos recueillis par Marjorie Cabrol

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