Musique Baroque en Avignon: Bonjour Jehanne Amzal, et merci de nous accorder cet entretien. Pour commencer, pourriez-vous nous raconter votre parcours de chanteuse lyrique?
Jehanne Amzal: J’ai découvert le chant à l’âge de 16 ans, en intégrant la Maîtrise de Paris, où j’ai eu la chance de chanter tout au long de ma scolarité au lycée. Après un passage par le conservatoire de Lyon, j’ai poursuivi mes études au Royal Northern College of Music en Angleterre, où j’ai obtenu une licence. De retour en France, je me suis spécialisée en musique ancienne au CRR de Paris, puis j’ai poursuivi mon perfectionnement à la Schola Cantorum de Bâle auprès d’Ulrich Messthaler et Rosa Dominguez. C’est là que s’est véritablement affirmée ma passion pour le répertoire ancien, en particulier le baroque. Depuis, ma carrière s’oriente principalement vers la musique française, sacrée comme opératique, qui est aujourd’hui au cœur de mon activité artistique.
MBA: En tant que chanteuse lyrique soprano, comment décririez-vous votre voix et votre rapport à cet instrument si particulier qu’est la voix humaine ?
J.A: C’est une question difficile… La voix est quelque chose de très personnel : chacun possède la sienne, et elle sert avant tout à exprimer ce que l’on porte en soi. Lorsque je chante, j’ai le sentiment d’avoir beaucoup à partager. Ce que j’aime le plus, c’est transmettre mes émotions, mais aussi celles contenues dans la musique et les textes, et les offrir au public. Pouvoir faire passer tout cela uniquement par la voix est une chance extraordinaire.
MBA: Et s’il fallait citer un aspect moins agréable ?
J.A: Ne pas pouvoir chanter quand on est malade ! C’est très frustrant, car contrairement à un instrument comme le violon, on ne peut pas simplement “jouer” malgré tout. Perdre une occasion musicale à cause d’un problème de santé reste pour moi la chose la plus difficile.
MBA: Vous rejoignez prochainement le trio “La Néreide” pour le concert du 13 septembre à la Collection Lambert d’Avignon, organisé par notre association, Musique Baroque en Avignon. Comment s’est faite cette collaboration et qu’est-ce que cela représente pour vous ?
J.A: Je connais Camille Allérat depuis longtemps : nous nous sommes rencontrées lorsqu’elle était également à la Maîtrise. Quant à Julie Roset, je l’ai croisée lors de concours. Nos chemins se sont souvent rejoints, puisque nous évoluons dans les mêmes réseaux musicaux et avons chanté avec des ensembles communs. De fil en aiguille, nous sommes devenues amies, et je suis très heureuse de cette collaboration car j’admire leur travail depuis la sortie de leur premier EP. J’ai été très touchée qu’elles me proposent de remplacer Ana Vieira Leite, et j’espère être à la hauteur dans ce répertoire.
MBA: Remplacer une chanteuse dans un ensemble déjà constitué peut être un défi. Comment abordez-vous cette expérience, à la fois musicalement et humainement ?
J.A: C’est quelque chose qui arrive assez souvent. Le plus difficile, lorsqu’on remplace quelqu’un à la dernière minute, c’est que les autres connaissent déjà parfaitement le programme. On arrive avec très peu de temps de répétition, parfois une seule séance, donc il faut être prêt et connaître la partition encore mieux que si l’on avait eu plusieurs jours de travail en amont. On se sent un peu “sur des œufs” pendant le concert, surtout quand on n’a eu qu’une journée de répétition et qu’on n’a encore jamais chanté le programme. Mais le fait que l’ensemble ait déjà une base solide, qu’il soit totalement à l’aise avec le répertoire est d’une grande aide : on se sent porté par eux, soutenu par ce “tapis sonore”. C’est très stimulant et ça me pousse à aller toujours plus loin.

