Musique Baroque en Avignon : Bonjour Cordelia Palm et merci de nous accorder cet entretien. Pour commencer, pourriez-vous nous raconter ce qui vous a menée vers le violon? Qu’est-ce qui vous a attirée dans cet instrument au départ, et qu’est-ce qui continue de vous passionner aujourd’hui ?
Cordelia Palm : Alors, c’est une longue histoire ! J’ai commencé le violon à deux ans. Mon père était musicien, musicologue et chef d’orchestre, donc j’ai toujours été entourée de musique. Il donnait aussi des cours à la maison, et j’écoutais souvent ses élèves derrière la porte. Un jour, j’ai simplement reproduit les sons que j’entendais : c’est comme ça que j’ai commencé, toute seule, en développant l’oreille absolue. À cinq ans, mon père a commencé à m’enseigner sérieusement le violon et le piano. Il m’a transmis une éducation très exigeante, mais aussi pleine d’amour pour la musique. À quatorze ans, avec une autorisation spéciale du ministère allemand, j’ai pu quitter l’école pour entrer au conservatoire de Karlsruhe. Plus tard, je suis partie à New York, à la Juilliard School, où j’ai étudié avec Ivan Galamian, le professeur d’Itzhak Perlman. J’y ai fait mon master en deux ans au lieu de quatre. Ensuite, je suis revenue en Allemagne, puis je suis arrivée à Avignon en 1982, un peu par hasard au départ — c’était prévu pour quelques concerts seulement. Finalement, je suis restée, notamment pour défendre et faire vivre l’orchestre lorsque celui-ci traversait des périodes difficiles. Aujourd’hui encore, le violon me passionne. C’est un instrument qui demande beaucoup, mais qui permet d’exprimer une infinie palette d’émotions. Et je crois que c’est ça qui me touche le plus : cette possibilité de parler directement au cœur des gens, sans mots.
MBA : Vous collaborez à nouveau avec le Chœur Homilius pour notre prochain concert. Comment décririez-vous votre relation artistique avec les chanteurs et avec le chef de chœur Sébastien Di Mayo ?
C.P. : Ce n’est même plus une simple collaboration, c’est devenu une véritable amitié. J’ai une immense admiration pour Sébastien Di Mayo et pour le travail qu’il réalise avec le chœur. Les choristes sont d’une grande gentillesse et d’un vrai engagement musical. Je me souviens de la première fois où je les ai entendus chanter a cappella : c’était magnifique, d’une puissance et d’une pureté incroyables. Quand Sébastien nous a proposé de travailler ensemble, c’était une évidence. Depuis, nous avons fait plusieurs concerts ensemble — je crois que le premier remonte à 2018 — et nous sommes toujours ravis de partager ces moments. Travailler avec des amis, dans un climat de respect et de confiance, c’est un vrai bonheur.
MBA : Vous avez une expérience du répertoire baroque. Qu’est-ce qui vous plaît particulièrement dans cette musique, et comment trouvez-vous à chaque fois une nouvelle façon de l’interpréter ?
C.P. : J’ai grandi avec cette musique. Mon père dirigeait une chorale d’enfants et d’adultes, également un orchestre dont le répertoire m’a permis très tôt de baigner dans les œuvres chorales et baroques. C’est une musique qui me touche profondément, parce qu’elle a quelque chose de pur, de spirituel. Quand on joue du baroque avec des chanteurs, on apprend beaucoup, notamment sur la respiration musicale. Avec un instrument, il faut essayer de retrouver ce souffle naturel que la voix possède. Même si je ne joue pas sur un instrument baroque, j’essaie de retrouver cette légèreté et cette clarté de son. C’est un vrai travail d’écoute et d’équilibre, mais aussi une immense source de joie.
MBA : En tant que musicienne, comment vivez-vous le travail collectif dans un concert où se mêlent chœur, solistes et instrumentistes comme celui de ce dimanche ?
C.P. : C’est un travail très particulier, car tout repose sur la respiration et l’écoute. Quand on joue avec des chanteurs, il faut respirer avec eux, suivre leur phrasé et s’adapter à leurs besoins. Cela demande une attention différente de celle que l’on a dans un orchestre symphonique classique. J’ai eu la chance de travailler à l’orchestre d’ Avignon, notamment sur des opéras, et cela m’a énormément appris. Travailler avec des chanteurs dans ce type de répertoire, c’est retrouver une certaine pureté. On développe automatiquement une écoute collective très fine, où l’on doit à la fois mobiliser et capter les instrumentistes et respecter le phrasé des chanteurs. Avec Sébastien Di Mayo et le chœur Homilius, c’est exactement le même principe : le chef propose une interprétation, fédère le chœur et les musiciens, et permet ainsi de trouver une vraie osmose. C’est différent d’un concert symphonique traditionnel, c’est extrêmement enrichissant. Je suis toujours ravie de cette interaction entre voix et instruments.

