RENCONTRE AVEC LA SOPRANO CAMILLE ALLERAT

Musique Baroque en Avignon : Bonjour Camille Allerat et merci de nous accorder cet entretien. Pour commencer, comment s’est construit votre parcours de chanteuse, et quelles expériences vous ont le plus marquée jusqu’ici ?

Camille Allerat: J’ai commencé très jeune, dans une chorale d’enfants à quatre ans, puis au violon. J’ai ensuite intégré la Maîtrise de l’Opéra de Lyon, où j’ai découvert la scène et l’opéra. Après le bac, par crainte des difficultés du métier, j’ai d’abord suivi une licence de philosophie et un master en management. Mais à 22 ans, j’ai décidé de passer les concours afin d’intégrer des écoles de chant et j’ai été admise à la HEM de Genève, où j’ai étudié cinq ans et rencontré Julie. Depuis, je partage mon activité entre chœur et solo, notamment avec l’ensemble La Néréide. J’ai aussi eu la chance d’être engagée par Raphaël Pichon au sein de l’ensemble Pygmalion, où je chante depuis six ans, ce qui constitue aujourd’hui mon activité principale. J’aime avoir un parcours hybride, entre solos, chœur et projets plus intimistes, qui s’équilibrent très bien pour l’instant.

MBA:  En tant qu’artiste, quel lien personnel entretenez-vous avec la musique baroque?

C.A: J’ai découvert la musique baroque vers 15 ans, et ça a été une sorte de choc esthétique. Je ne connaissais pas vraiment ce répertoire avant, et j’ai tout de suite été frappée par l’intensité de cette musique, à la fois très mélancolique et très passionnée. Ce qui me plaît aussi, c’est la grande liberté qu’on a en tant qu’interprète : on peut vraiment s’approprier les choses, proposer des variations, trouver sa propre couleur. Petit à petit, je me suis rendu compte que c’était une musique dans laquelle je me sentais naturellement à ma place, qui me correspondait vraiment. Contrairement au grand opéra italien, que j’admire énormément mais qui ne m’émeut pas de la même manière, le baroque me touche directement. C’est une musique très humaine, dans laquelle je peux exprimer des émotions sincères.

MBA: Donc le bel canto ne vous attire pas?

C.A: Disons que ce n’est pas vraiment mon répertoire de prédilection. Je peux chanter des airs en solo, par exemple le Requiem de Verdi, et ça me plaît, mais je suis surtout attirée par le répertoire d’oratorios et d’opéras plus anciens. Par contre, j’aime beaucoup travailler le bel canto pour la voix : c’est vraiment la technique la plus pure du chant lyrique et ça permet de bien se chauffer. Donc parfois, je prends quelques airs de bel canto juste pour travailler ma voix. Mais chanter sur scène un opéra comme “La Traviata” n’est pas un objectif pour moi, ce n’est pas ce qui m’attire artistiquement.

MBA: Qu’est-ce que cela représente pour vous de revenir chanter à Avignon avec l’Ensemble “La Néréide” et Musique Baroque en Avignon ?

C.A: Pour nous, Musique Baroque en Avignon a une valeur particulière : c’est la première association de musique ancienne qui a cru en nous dès le début de l’ensemble. En fait, notre tout premier concert officiel avait eu lieu à Avignon il y a deux ans, sur le programme de notre premier disque. Revenir exactement deux ans plus tard, au moment de la sortie de notre deuxième disque, crée une belle synchronicité. C’est une chance unique de présenter ce nouveau programme dans un lieu qui a une signification forte pour nous et avec l’association qui nous a soutenus dès le départ.

MBA: Justement, pourriez-vous nous parler un peu de ce deuxième disque qui se prépare à sortir?

C.A: Le disque s’appelle “Le Cœur et la Raison”. On y imagine la vie d’une jeune fille du début du XVIIIe siècle, élève des Demoiselles de Saint-Cyr, l’institution créée par Louis XIV et Madame de Maintenon. Elle y chante surtout de la musique religieuse, par exemple le célèbre Miserere de Clérambault, écrit spécialement pour ces voix de femmes. Mais quand elle rentre chez elle, deux fois par an, elle découvre aussi ses premiers émois amoureux. Ces moments-là, nous les représentons à travers des airs de cour, qui étaient un peu les « tubes » de l’époque (l’équivalent de Taylor Swift aujourd’hui) accompagnés au luth ou au théorbe et parlant presque toujours d’amour. Le disque joue donc sur ce contraste entre la dévotion de la musique sacrée et la liberté plus passionnée des airs profanes, dans lesquels la chanteuse peut aussi montrer sa virtuosité grâce aux ornements.

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