Philippe Jaroussky

Contre-ténor

Rencontre avec Philippe Jaroussky

Musique Baroque en Avignon : Bonjour, Philippe Jaroussky, et merci de nous accorder cette rencontre. Pour ce concert, avec la complicité du guitariste Thibaut Garcia, vous avez récemment sorti un CD intitulé « À sa guitare » reprenant un grand panel d’airs lyriques arrangés pour voix et guitare.  Sur quels critères avez-vous choisi vos morceaux ? Y-a-t-il eu des chansons que vous auriez voulu ajouter et qui n’ont pas pu se faire ?
Philippe Jaroussky : C’est un projet un peu particulier. Dans un premier temps, nous voulions symboliser une rencontre musicale et le choix des chansons a été rigoureux. Nous avons d’abord retracé le répertoire « classique » pour guitare et voix. Néanmoins, nous étions assez peu convaincus et avons décidé de faire des arrangements, soit par Thibaut ou bien d’autres guitaristes. Les principaux axes étaient de savoir quels morceaux pouvaient bien sonner avec la guitare et de faire voyager le public à travers les styles, mais aussi les langues – 5 au total ! –. Donc c’est un voyage musical polyculturel !
Effectivement, nous avons enregistré quelques morceaux que nous avons été contraints de retirer car nous voulions trouver un équilibre. 

M.B.A : Tout récemment, vous avez commencé une nouvelle carrière en tant que chef d’orchestre – dont notamment dans un « Giulio Cesare », de Haendel, au Théâtre des Champs Élysées. Devenir chef d’orchestre, est-il une ambition que vous aviez depuis longtemps ou est-ce une envie plus récente ?
P.J : J’y pensais depuis un moment. L’Ensemble Artaserse, que je dirige artistiquement depuis maintenant 20 ans, m’a mis dans le bain. J’ai franchi le pas il y un an lorsque j’ai dirigé un oratorio de Scarlatti, à l’Opéra de Montpellier. Et puis, ce gros projet qu’est « Giulio Cesare » s’est présenté avec une merveilleuse distribution, ainsi que mon propre ensemble et dans lequel j’ai complètement été plongé de la première à la dernière note. C’était un grand bonheur de pouvoir exprimer ma vision musicale de cette œuvre que je connais bien en tant que chanteur et la satisfaction est complètement différente. C’est aussi une chance de pouvoir se renouveler et d’aborder un autre aspect musical… Ayant étudié le piano et le violon avant le chant, je me suis ouvert à autre chose dans la musique. Pour moi, le plus important est de faire et de partager de la musique !

M.B.A : Nous vous connaissons également pédagogue à travers de nombreuses masterclass internationales, mais aussi par le biais de votre académie, l’Académie Musicale Philippe Jaroussky, créée en 2017 et basée à la Seine Musicale, à Paris. Quel est votre rôle au sein de cette école ?  Y a-t-il quelque chose en particulier que vous aimez apporter à ces jeunes chanteurs et que vous ne voyez pas ailleurs ?
P.J : Je ne voulais pas créer d’académie spécifiquement baroque, car l’idée est de pouvoir démocratiser la musique classique et d’encourager les talents de demain, particulièrement en ces temps difficiles post-covid. Cela me permet aussi d’être en contact avec la nouvelle génération de chanteurs(ses). Donc, à travers mes semaines de masterclass, je les accompagne et essaye d’être le plus inspirant possible pour eux à travers mon expérience de concertiste. Il est aussi question d’affiner leur sensibilité, leur interprétation et, parfois, leurs techniques de chant. Nous essayons également de les élancer en les insérant professionnellement, car nous avons de nombreux partenariats (festivals et contrats de concerts) qui les reçoivent régulièrement. C’est très enthousiasmant !

M.B.A : Si vous n’aviez pas été chanteur, qu’auriez-vous aimé faire ? Aviez-vous une seconde passion dans votre jeunesse ?
P.J : Quand j’avais 5 ans, ma mère disait que je voulais être Président de la République ! (rires). Puis à mes 10 ans, je voulais faire polytechnique, car le costume me plaisait. Enfin, en me rapprochant de mes 18 ans, je me suis beaucoup intéressé à la psychologie. Par conséquent, si je n’avais pas été dans la musique, je me serais tourné vers ce domaine…

M.B.A :  Quels sont vos prochains projets artistiques ?
P.J : En automne, j’enregistrerai un disque 100 % baroque et complètement inédit. Ensuite, je rejoindrai une grande amie qui est Cecilia Bartoli à l’Opéra de Monte-Carlo pour une reprise d’Alcina que nous avions eu au Théâtre des Champs-Élysées en 2018. En juin 2023, je dirigerai « L’Orfeo », d’Antonio Sartorio, qui sera jouée à l’Opéra de Montpellier et pour la première fois en France. Puis, en parallèle, beaucoup de projets avec l’Académie, notamment avec de nouveaux professeurs tels que la violoncelliste Anne Gastinel, le violoniste Nemanja Radulovic et le pianiste Cédric Tiberghien.

Propos recueillis par Marjorie Cabrol

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