Rencontre avec le luthiste et chef Eduardo Egüez

Musique Baroque en Avignon : Bonjour, Eduardo Egüez, et merci de nous accorder cette interview.  Vous êtes le directeur artistique de l’ensemble « La Chimera », fondé par votre épouse, la violiste Sabina Colonna Preti en 2001. Vous collaborez sur des projets musicaux purement baroques comme le concert que vous proposez le 11 novembre prochain, mais aussi sur des projets plus singuliers et originaux où vous fusionnez le baroque avec vos origines, la musique traditionnelle sud-américaine. Selon vous, qu’est-ce qui rapproche ces deux genres d’apparence différente ?

E.E. : Aux XVI-XVIIème siècle en Amérique latine, la musique s’est insérée de façon plus lente qu’en Europe et cela a perduré jusqu’à nos jours. Le caractère baroque s’est donc perpétué jusqu’à nos jours et de ce fait, les danses folkloriques argentines (comme la Zamba, la Chacarera, le Gato…) se sont conjuguées avec le baroque. L’expression baroque vit encore à travers cela et c’est pour cela que nous avons eu l’idée de fusionner ces deux répertoires.

M.B. : Comment choisissez-vous ce métissage ? Par exemple, pour votre projet « Fuga y Misterio » qui fusionne Jean-Sébastien Bach et Astor Piazzolla?

E.E. : Dans ce cas spécifique, Piazzolla s’est beaucoup inspiré des techniques de composition de Bach, notamment l’usage du contre-point. Ainsi, la majorité des fugues de Piazzolla ainsi que la gestion du rythme ont-ils beaucoup en commun avec Bach. Seules les harmonies peuvent différer, et encore, puisqu’elles utilisent les mêmes tonalités dans les basses. Ils sont donc plus proches que nous pouvons le penser !

M.B :  Le 11 novembre prochain à la Collection Lambert d’Avignon, vous présenterez un programme consacré au compositeur britannique John Dowland « Lachrimae » à la tête de votre ensemble et avec le ténor Zachary Wilder. Quelles sont les différences de travailler avec un instrumentiste ou un chanteur ?

E.E. : Pour Dowland, tout cela est déjà intégré, puisqu’il pense d’abord à la langue instrumentale puis vocale, car à l’époque, il n’y avait pas une grande différence entre instruments et voix. Plusieurs pièces avec la même musique ont été composées pour plusieurs formations comme le morceau « Flow my tears » qui reste le même thème que le « Lachrimae Antique ».

M.B. : Depuis l’enregistrement du CD en 2021, avez-vous ressenti une évolution dans votre interprétation des morceaux ? 

E.E. : Bien sûr, nous nous étions déjà bien préparés pour l’enregistrement, mais après l’avoir présenté dans différents théâtres, nous avons naturellement noté une évolution dans l’expression et la fluidité du discours musical. C’est un programme que nous avons peu présenté en comparaison à d’autres projets (par exemple, la Misa de Indios avec plus de soixante-dix représentations !), mais nous avons ressenti plus de musicalité au fur-et-à mesure des concerts.         

M.B. : Quels sont vos projets artistiques ?

E.E. : Nous n’en manquons pas ! (rires) Nous sommes toujours enthousiastes d’avoir des projets toujours plus ambitieux et qui nous correspondent. Pour l’année prochaine, nous aurons trois projets principaux : l’un portera sur une fusion entre la musique traditionnelle précolombienne et la musique savante du XVIIème siècle (pour ce faire, nous avons appris à jouer plusieurs variations d’instruments selon les pays). Après, nous réaliserons un projet aux États-Unis autour d’une pièce de théâtre de l’écrivaine du XVIIème siècle, Ana Caro, dans lequel je suis chargé de choisir la musique d’époque qui sera la mieux adaptée pour la mise en scène. Et enfin, un projet de discographie sur les musiques instrumentales de danses anciennes et modernes est en cours d’élaboration.

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