Rencontre avec le claveciniste Jean-Luc Ho

Musique Baroque à Avignon : Bonjour Jean-Luc Ho et merci de nous accorder cette interview. Comment avez-vous découvert votre instrument ?

Jean-Luc Ho : C’était pendant mes vacances d’été où je suis tombé sur une affiche annonçant un concert d’orgue gratuit. Curieux, mes parents m’y ont conduit et cela m’a bouleversé : j’ai voulu m’inscrire au Conservatoire pour apprendre à en jouer. Cependant, à cette époque, l’orgue était difficilement accessible aux enfants ; j’ai donc commencé par le clavecin (que je n’ai jamais cessé de jouer !). Aujourd’hui, j’ai rattrapé le temps perdu et joue des deux instruments. (rires)M.B.A. : Y a-t-il une période spécifique du Baroque que vous appréciez particulièrement ?

J.L.H. : De la même manière qu’il m’est impossible de préférer les frites et d’oublier le riz, la purée, les pâtes… je ne pourrais pas choisir une période spécifique du baroque. Je vis avec la musique virginaliste de la période élisabéthaine, les messes d’orgue de la fin du Grand Siècle, les pièces de maturité de Johann Sebastian Bach, l’école flamande de clavier… Je joue également de l’orgue et du clavicorde. C’est comme parler plusieurs langues ou vivre dans différents mondes. Je crois que tous me sont indispensables, même si mes périodes de travail me permettent de me focaliser sur l’un d’entre eux.M.B.A. : Parallèlement à votre carrière, vous enseignez régulièrement dans de nombreuses institutions telles que le CNSM de Paris, la Fondation Royaumont, ou encore l’Académie de clavecin de Valenciennes. Avez-vous des philosophies pédagogiques spécifiques que vous appliquez dans vos cours ? Comment inspirez-vous vos élèves à développer leur passion pour le clavecin ?

J.L.H. : Je rappelle que le travail de l’expression et de la beauté dépend du désir, de la stimulation de l’imagination, de la maîtrise des techniques et connaissances, mais aussi d’un goût et d’une culture qui font naître des idées. En conséquence, j’apprends à aimer et essaie de donner l’envie d’avoir envie.M.B.A. : Ce dimanche 11 février, vous interpréterez le programme « Magiciennes Baroques » avec la mezzo-soprano Lucile Richardot. Hormis les pièces vocales, comment avez-vous choisi les pièces de clavecin solo ?

J.L.H. : Ce sont des pièces de tempérament qui prolongent l’action du discours par leurs écritures riches en couleurs et qui dégagent de grands moments de caractère. Elles ont donc été choisies pour amplifier l’atmosphère si prenante que véhicule Lucile, lors des pièces chantées.M.B.A. : Étant donné que les pièces vocales ont été écrites pour orchestre, vous avez dû réduire certaines pièces pour voix et clavecin. Que cherchez-vous à mettre en valeur ?

J.L.H. : Même si le clavecin ne peut reproduire le timbre et la puissance d’un orchestre, je cherche à imiter la texture riche et colorée de la formation tout en préservant l’authenticité de l’instrument.M.B.A. : Quels sont vos projets artistiques ?

J.L.H. : 2024 sera autant une année de découvertes que de retrouvailles et d’aboutissements. Les découvertes seront liées à des instruments que j’ai commandés, fait restaurer, ou dont j’accompagne la construction et qui verront le jour : une copie du clavecin anglais le plus ancien conservé datant de la fin du XVIe siècle, un clavecin andalou des années 1730 ou encore un clavecin anglais de la même époque. Tous ces instruments ont une sonorité, des caractéristiques de facture, des techniques de jeu et une approche du répertoire que nous ne connaissons pas aujourd’hui. Je compte sur eux pour nous bousculer ! 

Par ailleurs, l’aboutissement d’un travail en musique de chambre consacré aux Nations de Couperin, que nous promenons depuis 2018 avec quelques amis, sera enregistré. Je travaille aussi à la finalisation d’un coffret Bach où L’Art de la fugue, capté à l’orgue en 2019, viendra compléter l’Offrande Musicale jouée par l’ensemble « Le Petit Trianon » en 2022. Depuis 5 ans, je me suis passionné pour la question flamande (autant pour les instruments que les compositeurs) et vais enregistrer deux disques en solo en ce sens.

Propos recueillis par Marjorie Cabrol

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