MBA: Bonjour Giulio Prandi, et merci de nous accorder cette interview. Comment avez-vous découvert le monde de la musique et votre vocation de chef d’orchestre ?
Gulio Prandi: J’ai baigné dans la musique dès mon plus jeune âge. Les mélodies des opéras italiens, que mon père, chercheur passionné, écoutait régulièrement, ont éveillé en moi une fascination précoce pour la musique. Bien avant de savoir lire et écrire, je connaissais déjà par cœur les airs de « Nabucco » et de « La Traviata ». Ces premières impressions musicales m’ont naturellement conduit au conservatoire de Pavie, où j’ai commencé par étudier le piano avant de me tourner vers le chant et la direction d’orchestre. J’ai ainsi exploré toutes les facettes de la musique, de l’interprétation à la direction, en passant par le chant choral. Cette expérience polyvalente m’a permis d’acquérir une solide formation et de développer mon oreille musicale. Aujourd’hui, je suis un chef d’orchestre indépendant, oscillant entre le répertoire baroque et le répertoire symphonique, ce qui permet de nourrir ma curiosité musicale et de partager ma passion avec un public toujours renouvelé.
MBA: Vous êtes reconnu pour votre expertise dans l’interprétation de la musique baroque. Qu’est-ce qui vous attire particulièrement dans ce répertoire ?
G.P: La musique baroque est pour moi une véritable source d’inspiration. J’apprécie tout particulièrement la richesse harmonique et la complexité rythmique de ce répertoire. La découverte des œuvres de Charpentier et de Mozart, dans des versions instrumentales baroques, a été une révélation. J’ai été séduit par la capacité de cette musique à mêler les genres, à créer des ambiances théâtrales et à transmettre des émotions complexes. La période baroque est une époque de grands bouleversements esthétiques et intellectuels, qui se reflètent dans la musique. J’aime étudier les traités de composition, les sources historiques pour mieux comprendre le contexte de création de ces œuvres et en proposer l’ interprétation la plus authentique possible.
MBA: Le Dimanche 20 Octobre vous allez donner un concert avec l’ensemble “Ghisleri” à l’Opéra Grand Avignon, comment est née cette collaboration avec l’orchestre ?
G.P: Elle s’est créée quand j’étais encore à l’Université: à l’époque, j’avais 22 ans, et les membres du choeur et de l’orchestre de l’Université Ghisleri cherchaient quelqu’un pour les diriger, et j’étais le seul musicien professionnel qu’ils connaissaient; ils ont donc fait appel à moi. Cet ensemble est donc né des rencontres avec ces gens-là, de cette volonté commune de dire quelque chose sur ce répertoire baroque qu’on aimait vraiment beaucoup, et qu’on voulait explorer.
Et c’est comme ça que par la suite nous avons fondé le chœur et l’orchestre Ghisleri, avec parmi ses membres des professionnels mais aussi de jeunes musiciens, ce qui a créé une sorte d’entraide, une rencontre entre musiciens de différentes générations. Et ce qui est beau, c’est que les musiciens qui étaient là en 2003 à la création de l’ensemble sont toujours là aujourd’hui! L’équipe est donc à peu près la même depuis vingt ans, on est un peu comme une famille, et c’est vraiment très enrichissant.
MBA : Pourquoi avez-vous choisi de jouer cet oratorio de Scarlatti en particulier ?
G.P: Selon moi, l’oratorio présente un intérêt tout particulier pour plusieurs raisons: d’une part, il s’agit d’une œuvre relativement méconnue de Scarlatti, dont le manuscrit est conservé à Cambridge, ce qui lui a valu son sous-titre, et d’autre part, l’histoire qu’il raconte est à la fois biblique et humaine. L’intrigue se concentre autour de trois personnages principaux : Giuditta, une femme d’exception, déterminée à sauver son peuple ; Oloferne, le général assyrien arrogant et cruel ; et la Nutrice, confidente et conseillère de Giuditta. C’est à travers ces trois figures que Scarlatti explore des thèmes de notre société tels que la foi, le courage et la trahison. J’ai été particulièrement séduit par la simplicité de cette œuvre: en se concentrant sur un nombre limité de personnages, Scarlatti parvient à créer une grande tension dramatique et à nous plonger au cœur de l’action. C’est cette combinaison de qualités musicales et dramatiques qui m’a convaincu de programmer cet oratorio. Je suis certain qu’il touchera le public par sa beauté mélodique et par la force de son histoire.
MBA : Qu’attendez-vous de ce concert à Avignon?
G.P: J’espère que cela sera une bonne occasion pour le public de découvrir ou de redécouvrir la richesse et la beauté du répertoire baroque. L’oratorio de Scarlatti est une œuvre méconnue qui mérite d’être entendue. J’aimerais que les spectateurs soient touchés par l’intensité dramatique de l’histoire et par la beauté de la musique. Au-delà de l’aspect purement musical, j’espère susciter la curiosité du public et l’inciter à s’intéresser davantage à la musique baroque.
MBA : Où pourra-t-on vous écouter prochainement ?
G.P: Après Avignon, mon agenda se remplit de projets passionnants ! Je dirigerai notamment la clôture des célébrations de Spontini à Jesi, puis je me rendrai à Trieste pour interpréter la Messe de Scarlatti. Je suis également très heureux de faire mes débuts au prestigieux Maggio Musicale Fiorentino en janvier prochain. Et pour clôturer cette saison bien remplie, je retrouverai l’ensemble Ghisleri au Concertgebouw d’Amsterdam pour un programme entièrement consacré à Scarlatti. Ces prochains mois s’annoncent riches en émotions musicales !
Ces propos se trouveront complétés par une conférence que donnera Giulio Prandi le mercredi 16 Octobre à 18 h 30 à la salle des Préludes de l’Opéra Grand Avignon.