M.B.A. : Bonjour, Paul-Antoine Bénos-Djian, et merci de nous accorder cette interview. Vous avez commencé le chant à l’Opéra Junior ainsi qu’au Conservatoire de Montpellier. Vous avez poursuivi votre formation au CNSM de Paris ainsi qu’auprès de grandes voix telles que Philippe Jaroussky et Andreas Scholl. En 2019, vous avez évoqué ne pas vous fixer de limites de répertoires. Est-ce toujours le cas ?
Paul-Antoine Bénos-Djian : Je persiste à dire qu’effectivement la voix de contre-ténor possède des milliers de couleurs et qu’elle peut donc interpréter aussi bien du baroque que de la mélodie ou du contemporain. Effectivement, mes expériences à Opéra Junior ainsi qu’au CRR de Montpellier m’ont permis de toucher à tous types de répertoires. De ce fait, je ne me suis jamais vraiment posé la question de savoir si j’avais le droit de chanter ceci ou non, même après avoir changé de tessiture. J’essaie de raisonner sans faire d’analyses de répertoires bien définis et je n’ai pas d’exigence, dans la limite des possibles bien sûr. Des directeurs de casting font de plus en plus confiance aux contre-ténors pour incarner quelques rôles adaptés, et c’est gratifiant !
M.B.A. : Ce 14 avril en l’Église Saint-Symphorien de Caumont-sur-Durance, vous retrouverez le claveciniste Olivier Spilmont et son ensemble « Alia Mens » sur un répertoire entièrement dédié à Purcell. Comment est né ce projet ?
P-A.B-D. : C’est un concert que nous avons créé dans le cadre d’un Festival à Château-Thierry. C’est un compositeur que j’affectionne beaucoup et dont je connaissais déjà quelques pièces. Le programme réunit des airs mélancoliques et d’autres plus rythmés en accord avec la basse obstinée et son « ground » donnant un aspect très rythmé et vivant. Ces pièces, excessivement modernes pour l’époque, se rapprochent de la chanson tant par leur durée ainsi que par leur théâtralité. De plus, je suis ravi de revenir dans mon Sud natal, car je n’ai pas toujours l’occasion de venir et Avignon fait partie de mes villes de cœur où j’ai de très bons souvenirs !
M.B.A. : Comment décririez-vous la dynamique musicale entre votre voix et les autres instruments sur ce programme ?
P-A.B-D. : Il y a plusieurs configurations. À certains moments, il y a une adéquation entre le « ground » et la voix qui vont de pair. La voix peut aussi s’échapper de la basse obstinée et improviser afin d’illustrer quelque chose. La voix en elle-même, outre la théâtralité, dégage aussi du rythme et de la musicalité.
M.B.A. : Avez-vous un rituel d’avant-concert ?
P-A.B-D. : C’est un peu paradoxal, mais je m’efforce de désacraliser le concert, parce que, quand je le sacralise, le mauvais stress s’installe. Donc, je m’évade vers autre chose jusqu’au moment du concert et, surtout, je m’habille le plus tardivement possible, comme pour retarder l’échéance de l’entrée sur scène ! Cela ne plaît pas forcément aux équipes artistiques parce qu’elles craignent que je ne sois pas dans les temps, mais cela ne m’est jamais arrivé jusqu’à présent ! (rires)
M.B.A. : Où pourrons-nous vous écouter prochainement ?
P-A.B-D. : Je chanterai dans Bérénice en version concert avec l’ensemble « Il Pomo d’Oro », avec lequel j’ai déjà collaboré, au Théâtre des Champs-Élysées ainsi qu’au Teatro Real de Madrid. Toujours en mai, je reprendrai la production de L’incoronazione di Poppea à l’Opéra de Cologne du 5 mai au 2 juin, que nous avions montée à Aix-en-Provence en 2022. Et je serai de nouveau à Aix-en-Provence pour les rôles de l’Human Frigility, Anfinomo et Feacio 1 dans Il Ritorno d’Ulisse in Patria dirigé par Leonardo Garcia Alarcón, du 17 au 23 juillet, au Théâtre du Jeu de Paume.
Propos recueillis par Marjorie Cabrol